LES PETITS TROUS DE JEAN ROYÈRE
Les pois répondent à la perforation. Ils envahissent la tôle et le plateau en verre de cette table afin d’en animer les surfaces. Jean Royère aimait jouer des motifs, des combinaisons d’ornements. Le plein, le vide, des couleurs simples en opposition, le tout mettant en valeur un meuble aux formes géométriques, à la fois sommaires et parfaitement harmonieuses. Cette table basse hexagonale, à épais plateau en verre, est enchâssée dans une structure en métal de quatre panneaux en tôle perforée, cerclés de tubes et formant bouclier. Le décor de pastilles concaves est peint en rouge corail sur fond vert pâle. Si les ondulations et les lianes demeurent les symboles des meubles de Jean Royère, élégants avant tout, mais aussi épurés et imaginatifs, les motifs géométriques sont bien présents. Il faut dire que ce Havrais, qui abandonna les affaires familiales pour se lancer dans la décoration à Paris, à l’âge de 29 ans, essayait de se renouveler sans cesse, réfléchissant en fonction de chaque commande, de chaque lieu et de chaque propriétaire. Il fut en effet l’un des derniers grands décorateurs à créer aussi bien l’atmosphère d’un endroit que chacun des meubles le composant. Une démarche qui plut immédiatement à ses clients, parmi lesquels le roi Farouk d’Égypte, le shah d’Iran et le roi Hussein de Jordanie. Les créneaux, les croisillons, les sphères, les chevrons mais aussi les points comptent parmi ces dessins modulables que Royère fait varier à l’envi afin de décorer ses objets et d’en faire ressortir l’architecture. Ils apparaissent dès ses débuts, dans les années 1930, et se développeront encore un peu plus après la guerre, lorsque le succès mènera Royère à ouvrir sa propre galerie au 5, rue d’Argenson puis rue du FaubourgSaint-Honoré. En 1947, par exemple, il composera le bureau d’une femme d’affaires avec des meubles en tôle perforée laquée gris en 1955, suivi d’un mobilier de salle à manger, à Beyrouth, présentant des perforations dans le chêne blond, qui soulignent le dossier des chaises ou le plateau de la table. Avec ses couleurs vives et ses matériaux, tôle et verre, notre table, datée vers 1950, est à l’image de l’œuvre de Jean Royère, épurée et moderne !
SAMEDI 3 MARS 2018, ANTIBES. CARVAJAL OVV. M. LEGRAND.
Jean Royère (1902-1981), table basse à plateau en verre, tôle perforée, vers 1950, 43 x 60 x 60 cm.
Estimation : 50 000/60 000 €